Les chevaux hennissaient, paniqués. Les épées fendaient l’air, s’abattaient sur les boucliers et les heaumes. Par leurs visières, les hommes haletants crachaient menaces et jurons, les bras et les épaules tordus par la douleur que faisaient naître chaque coup et chaque mouvement. Des nuages de poussière jaunâtre s’élevaient au-dessus de la terre sèche des vignes. L’odeur des raisins, gonflés par la chaleur, rendait leur gorge encore plus râpeuse tandis que la sueur dégoulinait dans leurs yeux, les aveuglant. Au milieu de la mêlée, un diable au surcot de feu se battait contre nombre d’ennemis, les projetant à terre avec une habileté et une grâce époustouflante. Nul coup ne semblait l’atteindre, tant il se mouvait avec aisance, semblant anticiper chacun des gestes de ses adversaires. D’un mouvement souple, il désarma l’homme d’armes qui lui faisait face avant de lui écraser son poing ganté sur la figure. L’homme chuta lourdement sur le sol alors qu’un autre prenait sa place. Les combattants semblaient être épuisés car tous les face à face avaient presque pris fin, sauf bien évidemment, l’homme au surcot rouge, qui combattait désormais un grand homme au teint hâlé. Les coups rendus étaient durs mais encore une fois, le mystérieux bretteur mis à mal son adversaire avant de l’envoyer mordre la poussière. L’homme posa sa botte sur la nuque de son ennemi.
« Tu es mort » souffla une voix presque amusée à travers la visière du lourd heaume.
« Assez ! Assez, n’avais-pas interdit cette barbarie ? Vous faites honte à ma maison, tous autant que vous êtes, disparaissez de ma vue. Octave, viens ici immédiatement. » Tonna une puissante voix qui n’était autre que celle de Philippe d’Azildur, dit le Bel, Sénéchal de France et du Roy Kalan.Le vieil homme entraîna son fils à l’écart alors que ce dernier retirait heaume et protections, dévoilant un visage d’ange aux longs cheveux noir et un teint hâlé qui le rendait superbe. Un beau sourire éclairait son visage un poil insolent alors que le Sénéchal entrait dans un long sermon sur l’intérêt pour le Duc d’apprendre à se tenir et d’arrêter de massacrer champs et vignobles pour satisfaire son envie de batailles.« Mon fils, tu es ma chair et mon sang, tu es le Duc de Gascogne et tu représentes notre maison à la cour du Roy… C’est en ces heures sombres où la sécession fait rage que tu dois rester droit. Etre un bon chevalier n’implique pas défaire tous ses adversaires avec dédain. Cela implique un code Octave, le comprends-tu ?-Père, ne voyez-vous pas, ne voyez-vous pas tout ce que j’ai accompli pour être digne de votre confiance ? Regardez autour de vous, nos terres sont en paix, nos paysans sont rassurés et j’ai réussi à amasser une fortune conséquente ainsi qu’une renommée qui dépasse celle des meilleurs lieutenants de France ! Tous connaissent désormais le nom du Hardi, le meilleur chevalier du Royaume. Père, nous sommes de gascons, et nul ne saurait imposer sa volonté à un gascon, tous le savent, ou le sauront très prochainement, faites-moi confiance…
-Et que fais-tu du chevalier Silent ? On dit qu'il est plus renommé que tu ne le seras jamais. Et ôte moi cet air insolent ! Je ne suis pas venu pour échanger des paroles belliqueuses avec un jeune prétentieux qui oublie qu'il a de la chance d'être le seul mâle de ma descendance.. Même ta soeur Typhaine se comporte mieux. Bien, que venais-je te dire ?
-Un écossais, meilleur chevalier que moi ? Vous vouliez dire barbare père, ou paysan, voilà ce que sont ces pictes..
-Il suffit ! Je venais te dire que le Roy Kalan se mourrait, et que déjà l'Europe se déchirait pour sa succession. Je suis vieux, et au service du Roy. Je ne peux pas prendre part à cette grande campagne, je me dois de servir le prochain roi. Mais jamais notre maison n'a failli. Tu partiras représenter nos couleurs Octave. Tu portes le destin d'une famille plusieurs fois centenaires. Autrefois, nos Aîeux étaient craints, respectés et leur nom était synonyme de courage, de force et d'abnégation. Nous n'avons jamais cherché à imposer notre règne, mais nous avons été une lumière dans les ténèbres. Je ne peux te confier notre Duché, je vais devoir le reprendre, voilà la loi royale. Mais j'ai entendu que le Poitou se cherchait un nouveau seigneur, j'ai déjà envoyé les missives nécessaires. Tu t'y rendras demain dans la matinée. Tu pourras revenir si tu abandonnes.
-Non mon père. Nous avons renié nos principes. En Scandinavie, au Moyen Orient, en Egypte, en France, tous ont appris à craindre le règne des Azildur. Tous ont appris à craindre Octave de Venise, Typhaine d'Est, Thorolf le Germain et Philippe, Roi de France. Je ne sais pourquoi vous vous obstinez à reprendre le flambeau d'une lignée décadente. Mais ne vous en faites pas mon père. Je porterai les couleurs de notre famille. Et je vous montrerai ce que notre devise veut dire. Je leur montrerai à tous ce qu'être un Azildur veut dire. Je vaincrai, ou mourrai. Vous ne me reverrez que serti de pourpre ou entre quatre planches, mon père. Prenez mes titres, mon argent et mes hommes. Qu'importe, je partirai sur les chemins avec la lame de Brian Boru, je passerai par Saumur, voir le mausolée d'Octave. Et je n'emporte qu'avec moi ma légende déjà grandissante. Le Hardi se dressera. Brûlons de nous élever, père."
Dernière modification par Azildur (03/03/2015 22:33:21)
Arda para subire, brûle de t'élever
