L'homme en noir faisait les cent pas dans l'ombre tremblante des torches. Dans sa nervosité, il ne parvenait qu'à grand peine à maîtriser la légère claudication qu'il prenait grand soin de cacher d'habitude.
Assis au bureau, le vieil homme termina de tailler sa plume. Il prit lentement le parchemin.
« Vous y êtes ? Enfin, pas trop tôt. Vous notez :
Pauvre sale petit Guronce... Non, ça manque un peu d'allure.
Immonde porc confit dans sa sauce à la menthe... Non, ça ne va pas. Voyons, il me faudrait quelque chose de plus classique. Une politesse froide teintée de mépris...
— "Noble Guronce", peut-être ?
— Que ?! "Noble Guronce" ?
— N'est-ce pas à la fois glacial et d'une ironie cinglante ?
— Euh... Si vous le dites. Enfin faute de mieux, oui, pourquoi pas. Je reprends.
Noble Guronce...
— "Guronse", avec un "s" comme dans serpent ?
— Non. "Guronce", avec un "c", comme dans ciboulette. Concentrez-vous, mon vieux.
Noble Guronce,Une saison après avoir sollicité mon alliance, m'avoir parlé d'amitié, je lis que vous avez envoyé l'ordre d'annuler votre alliance.Les contingences de la lutte étant ce qu'elles sont, je sais que les serments d'amitié d'un jour ne sont pas toujours ceux du lendemain : lorsqu'on n'a qu'une parole, il est parfois nécessaire de la reprendre.Mais tout de même : pas un mot d'explication envers moi, dont vous n'avez nul objet de plainte ? Pour un « Lord Diplomate Européen » autoproclamé, ainsi que vous signez vos messages de miel, c'est un peu petit. Petit. Petit.
— Trois fois "petit" ?
— Trois fois, je vous prie. Petit...
— Quatre fois "petit", alors ?
— Non, trois fois ! Je reprends !
C'est un peu petit. Petit. Petit. C'est même tout à fait minuscule.Bien à vous,Alzgard, Consul de Trieste
Voilà, vous signez pour moi, vous cachetez, et ça part avec la prochaine galère, zou. Suivant : Montloup. »
Μῆνιν ἄειδε, θεὰ, Πηληϊάδεω Ἀχιλῆος
οὐλομένην, ἣ μυρί’ Ἀχαιοῖς ἄλγε’ ἔθηκε