Allongé sur sa litière, le vieil Alzgard frissonnait sous l'amas de peaux de phoques qui le recouvrait presque entièrement.
Depuis que la flotte avait quitté Tórshavn pour emmener son armée vers les Shetlands, le vieil homme n'avait plus réussi à se lever. Ce matin là, il fit venir son fils auprès de lui, sur la terrasse surplombant la mer.
« Fillan, est-ce toi ?
— Père ?
— Hélas, ma vue se trouble. Mais je reconnais encore bien ta voix. Approche, mon fils.
— Père, peut-être vaudrait-il mieux…
— Ne m'interromps pas, je te prie. Parler m'est déjà pénible. Je suis fatigué, si fatigué. Fillan, j'ai besoin de toi.
— Mon épée vous appartient, Père, maintenant comme toujours.
— Je le sais. Je le sais. Mais j'ai besoin de plus que cela aujourd'hui.
— Demandez, je suis votre homme lige.
— J'ai besoin de ta tête, de tes yeux et de ton cœur, fils. Peux-tu me donner tout cela?
— …
— Fillan, je ne peux plus mener nos armées. Je ne peux plus diriger notre clan.
— Quelques jours de repos, Père…
— Non! Il est trop tard à présent. Je n'aurais pas dû quitter les Féroés. J'aurais dû attendre la mort, dans ma demeure, près de la tombe de ta mère. Hélas.
— Qu'attendez-vous de moi?
— C'est toi qui mènera l'expédition vers Hordaland, fils. Je n'en ai plus la force.
— Bien, Père.
— Tu prendras langue avec le seigneur Erving, de Fjordane. C'est un homme d'honneur. Tu lui offriras l'alliance de la maison Alzgard.
— À vos ordres.
— Et tu me représenteras à la joute du seigneur Björn. Tu iras avec ta sœur, Melina. Je pense que ce voyage jusqu'à Inverness lui fera du bien. Oui, du bien. Cela la distraira de son chagrin. Veille bien sur elle, Fillan. Veille bien sur elle. Je te la… Je te la confie. »
Lorsque Fillan ouvrit la bouche pour répondre, Alzgard s'était endormi. Je jeune homme se retira sur la pointe des pieds.
Μῆνιν ἄειδε, θεὰ, Πηληϊάδεω Ἀχιλῆος
οὐλομένην, ἣ μυρί’ Ἀχαιοῖς ἄλγε’ ἔθηκε