La lourde tenture de velours portant l’écusson des Guronce venait tout juste d’être dressée dans le palais de Liguria, annonciatrice du début de la campagne de succession du Roy Kalan.
Le Premier Ministre avait rassemblé toute l’aéropage de la chevalerie de la terre sur laquelle le jeune prince régnait désormais, tous piaffant et attendant de voir s’ils figureraient dans les cinq premiers chevaliers appelés à servir dans les conquêtes à venir.
« Prince Guronce, entama le Premier Ministre, nous voici donc à l’aube d’une nouvelle campagne et il nous faut dès à présent commencer à nouer alliance avec nos voisins et à lever des armées. La couronne sera dure à obtenir, mais nul dans le Liguria ne doute que le sang qui coule dans vos veines saura vous porter vers la plus haute marche. »
- Allons, noble et avisé Ministre, premier entre tous, toutes ces affaires que vous évoquez là et tous ces messages amicaux ou hostiles qui commencent à arriver ne sont point au cœur de mes préoccupations, et mon inquiétude croît quant à ce qui a pu advenir à la princesse Ciara en la lointaine Irlande. Parlons plutôt de ces rumeurs d’un enlèvement de la princesse, qui me paraissent si effrayantes que je ne puis songer à rien d’autre.
- Noble sire, cette princesse aux yeux d’émeraude et à la longue chevelure rouge aura sûrement jeté quelque sort à votre cœur, mais il n’y a point à s’affoler et elle est certainement en sécurité. Toutes ces rumeurs sont sans doute le résultat de l’agitation qui règne depuis l’annonce de la succession de notre bien-aimé monarque. Les routes sont presque toutes bloquées et aucun messager ne passe plus, comment donner fois à quelque racontar invérifiable ? Ne doutons point que d’ici quelques mois, la vérité apparaîtra fort simple et que votre souci d’aujourd’hui n’aura plus lieu d’être ! Et si d’aventure le sort voulait que vous fussiez couronné à ce moment, quel meilleur gage pour obtenir sa main ?
- Et je consacrerais mon temps à obtenir la gloire d’une couronne tandis que mon aimée est en danger ? Je n’irais point toutes affaires cessantes lui porter le secours dont mon cœur me dit qu’elle a grand besoin, par delà toutes les paroles rassurantes qui peuvent être tenus par les sages les plus éminents qui soient ? Non ! Je partirai de ce pas à sa recherche dans toutes les terres d’Irlande ou celles de Grande-Bretagne.
- Mais enfin, sire ! C’est là pure folie ! Partout des hordes de brigands ont pris possession des routes, et les quelques fiefs encore commandées par un seigneur bien né ne seront certainement pas tous favorables à votre lignée ! Un cavalier seul aura tôt fait d’être trucidé ou capturé, et vous n’arriverez sans doute même pas à la côte normande avant que d’avoir perdu toute chance de revoir un jour les doux traits de son visage…
- Qui vous parle d’aller seul et par les chemins détournés vers ces régions inhospitalières ? Et d’ailleurs, que ferais-je seul là bas si par miracle je déjouais tous les pièges du chemin ? Non, c’est à la tête d’une puissante armée que je marcherai vers les rives anglo saxonnes ! Si nous rencontrons prince amical nous ouvrant les portes de ses terres sur notre route, alors nous festoierons joyeusement, mais si l’on veut nous arrêter, nous forcerons toutes les citadelles qu’il faudra. Car oui, je le jure ici, cette campagne de succession ne s’arrêtera point avant que je n’ai franchi les milles lieues qui séparent la douce côte italienne des rivages rocheux et embrumés où je vis pour la première fois la princesse Ciara ! Et je serais présent en Connaught avant qu’un autre Roy ne soit désigné par Kalan, où j’éclaircirai cette disparition mystérieuse dans laquelle je pressens le plus grand des périls. Je serai Guronce le Voyageur et je prie que ce voyage me mène à son terme. Mais j’aurai également besoin de vous tous ici. Car sans la puissance d’une nation prospère, je mesure combien mon périple a peu de chance de réussir. Ainsi vous faudra-t-il œuvrer ici pour me donner les écus et les hommes dont j’aurai besoin tout au long de ce dangereux voyage. Ainsi en soit-il !
