SAISON 11 - L'avènement du Matamore et la chute de la smala de Baibars

Jacques de Rèze · 05/04/2014 16:17:10

"Non, non, et non!" Miguel jeta violemment sa plume sur la table et renversa l'encrier d'un revers de son unique main.

Sobrement assis sur un tabouret dans un coin sombre, Don Quixote le fixa d'un regard noir: "Hé quoi, grand auteur, des ennuis avec la légende?"

Miguel se leva brusquement et contempla la mer par la fenêtre du castel d'Ibiza. L'entrée du port flanquée de deux tours hérissées de créneaux était barrée par une énorme chaîne tendue en travers. Il se retourna vers son compagnon: "Evidemment que j'ai des ennuis avec la légende! Que raconter de cette campagne en Afrique? Elle est affligeante! Voyez cet ignoble Baibars: après avoir juré par tous les poils de la barbe de son faux prophète de faire rouler la tête du seigneur Severus dans la poussière, il oublie de combattre. Puis proclame à qui veut l'entendre qu'il transformera le détroit de Gibraltar en nouvelle passe des Thermopyles! Et pour quel résultat? Il envoie des pouilleux dénudés s'empaler sur les lances de nos valeureux tercios. Et ainsi satisfait de perdre son officier le moins incapable, il récidive la saison suivante, sans doute pour la satisfaction puérile de réentendre la conclusion d'une histoire déjà racontée.
Et le voilà maintenant acculé dans sa forteresse, aphone à force d'avoir lancé tant de menaces au vent du désert. Il s'imagine à l'affût, brulant d'espoir de tuer Severus par surprise d'un adroit tir d'arquebuse dans le dos. Mais demain, sa smala sera éparpillée à tous les vents et il ne restera rien de ses malédictions que des cendres mortes recouvertes par le sable. Allez donc écrire une légende avec pareil matamore de comédie!"

- Matamore? le reprit son compagnon. Vous savez bien ce que cela signifie: Tueur de Maures. Difficile de l'appliquer à Baibars donc.
- Dans son sens originel, non. Mais dans dans son extension, oui! Le matamore est un personnage de la comedia dell'arte, vantard et poltron, amateur des hauts faits d'armes et imitateur sans carrure des grands héros antiques. Cela convient à Baibars.
- En effet, acquiesca la maigre figure dans l'ombre. Mais demain, le vrai matamore abattra le faux. Et la légende reprendra ses droits sur la comédie, je vous l'assure mon cher Miguel!
- Puissiez-vous dire vrai, Don Quixote. Je suis fatigué de décrire notre Hernan à l'assaut de moulins à vent!

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Azildur · 08/04/2014 15:47:52

"Certes oui nous allons mourir Sayf mais ni aujourd'hui, ni demain. Contemple le monde et ses Grands. Contemple leurs empires tomber en poussière, recouvrant leur vanité et leur orgueil. Car Allah ne donne pas la grâce aux faibles et aux couards. Profite de cette vue et de cette leçon. Quand ils penseront t'abattre, tu surgiras des ténèbres et emporteras le feu divin à tes côtés. Quand ils penseront régner, ils s'écrouleront. Quand ils penseront asseoir leur domination pour des millénaires, leurs fils ne connaîtront que la mort et le sang.

Contemple Sayf, les Grands qui meurent, visages assouplis par une vie d'opulence et de facilité. Discerne leurs yeux las de cette vie grasse et sans intérêt. Entends leurs fables pour y déceler les mensonges. Enfin, souviens toi de leur bannière, celle frappée de l'opprobre et de l'incompétence. A vaincre sans péril on triomphe sans gloire, ne l'oublie jamais. Alors comment devras-tu appeler ce nouveau Roi ? L'Assisté ? Le Gros ? Le Fainéant ? Je ne sais pas, et nous vivrons pour voir ces jours.

Apprends à rester quand l'ennemi veut te faire fuir. Tu peux me croire, ils ne nous auront pas. Regarde les, par delà nos remparts. Regarde le loup et le chien qui accourent au son du cor de leur maître qui a vendu son âme à Iblis. Ne sont-ils beau dans leur armure rutilante ? Presque cinq saisons pour mettre le pied au Maroc face à mille de nos braves qui ont tenu tête à un véritable empire. Et veux-tu connaître la fin ? Ils perdront le Maroc aussi surement qu'ils ne prendront pas nos terres. Retiens cette leçon car eux aussi vont la retenir, les traîtres et les laquais ne peuvent jamais vaincre les justes et les braves.

Plonge toi dans mes yeux et voit le nom de tous ceux qui mourront aujoud'hui, le prix de la liberté.

J'ai entendu cette histoire, ce courtisan possédé qui s'est pensé supérieur à Dieu. Ce drôle d'Espagne. Le bouffon du bal européen qui amuse la plèbe et affronte lépreux et autres manchots. Pourtant obligé d'acheter des terres comme un vulgaire roturier. Et incapable de ceindre une couronne qui ne lui ira jamais. Combattre des bras cassés en se faisant aider de la traîtrise, de vassaux amorphes et du destin. Oui mon fils, j'ai entendu parler de cet énergumène. Mais bientôt plus personne ne se souviendra de lui. En revanche, notre nom résonnera pour l'éternité dans ses palais comme le nom du seul combat qu'il aura mené durant cette campagne. Et sais-tu ce qui est le plus drôle ? C'est qu'il ne le gagnera pas. Tu vois fils, il ne sera jamais roi. Un roi ne saurait compter la moindre victoire.

Allez, va t'armer, nous avons un peuple à défendre."

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