Etonné, Jan d'Arc regardait sa carte, les yeux s'attardant sur une petite surface marquée "Oopland" en élégants caractères cursifs. Mais pourquoi donc cette terre était-elle au centre d'un tel déchainement de fer et de cris? Son propre nom avait pourtant été prononcé par le seigneur des lieux à l'agonie.
Pourtant, enclavée à des dizaines de lieues de la mer la plus proche, Oopland n'évoquait à ses yeux de marin qu'un intérêt bien faible. Fermiers, artisans, marins d'eau douce que tout cela... Aucun des habitants de cette terre n'avait eu le caractère sculpté par les tempêtes, aucun n'avait contemplé la majesté de l'océan roulant paresseusement ses vagues à perte de vue, aucun n'avait eu le courage éprouvé face aux récits rugissant sous les déferlantes.
C'est à peine s'il avait croisé le moindre étendard de ce Dragan. Au premier jour de janvier, dans le silence d'une nature gelée, la redoutable flotte d'Arc était sortie des brumes face aux falaises d'Agder. La flotte avait longé le roc à la recherche d'une baie abritée, propice au débarquement. Les vigies scrutaient chaque pouce de l'océan, observaient les hauts des rochers avec attention.
Mais leur prudence s'était avérée excessive. Alors que les falaises s'écartaient autour d'un fort bourg établi dans une crique, ils avaient enfin vu l'ennemi. Le spectacle leur avait serré le coeur. 4 vieux bateaux dépareillés gouvernés par des paysans et défendus par des pêcheurs, c'est tout ce que Dragan leur avait opposé. Ils oblitérèrent l'ennemi sans ralentir. Aucun des habituels cris de victoire ne fut poussé. Nul n'avait l'envie de fêter si ridicule victoire.
Si encore il m'avait fait don d'un beau combat, se dit d'Arc. Ah, peut-être une autre fois. Et il retourna à ses affaires avec le sentiment mi-satisfait mi-ennuyé d'avoir terminé une monotone corvée.