Le Soleil frappait fort en ce mois d'avril sur les murs blancs de Split. L'Adriatique était paisible et lisse. Les plaines de l'Est étaient pourtant déchirées de batailles. L'herbe était gorgée de sang, et les fils du Danube périssaient par milliers sous le coup des jeux des puissants. Les Balkans particulièrement, payaient un lourd tribut dans les conflits en cours, et voyaient la guerre sanglante entre le Comte Agion et le Despote Octave d'un oeil las.
En ce jour d'avril cependant, le destin se jouait pour un seigneur qui ne le savait pas, ou alors que trop bien. La campagne était déserte, et il avait reçu l'assurance du seigneur Octave que la Dalmatie ne serait pas défendue, ouvrant le champ de la Grèce pour Agion et ses vélléités de destruction.
Dans son castel de Thrace, Octave avait cependant donné ses ordres, le coeur lourd. Ce que demandait Agion en échange de la paix, était trop lourd. Trahir Bapt était totalement inenvisageable. Tendre une embuscade à Agion également, lui qui avait combattu vaillamment, malgré ses nombre défauts. Mais le choix avait été vite fait. Les missives étaient parties, et ses lieutenants se tenaient sur le pied de guerre.
Lourde était la tête qui portait la couronne, et il avait fallu se résoudre à sacrifier la garnison de Split, qui, laissée sans soldats, avait été prise et massacrée par Agion. Mais ce dernier, fourbu, n'eut le temps de se reposer que quelques jours.
Déjà, au son des tambours, Mehmet l'Ottoman s'avançait. Les Sipahis turcs, les Hoplites grecques, les cataphractaires venus des grandes steppes, les piquiers hongrois, tous s'avançaient dans une atmosphère de fin du monde. Le corps expéditionnaire conduit par Mehmet avait attendu la nuit de l'assaut, et s'était mis en marche. Rejoins en cours par les terribles soldats d'Epitre, ils avaient fondu sur les campagnes environnantes avant même que les portes défoncées de la cité aient pu être remises sur pied.
Agion mena lui-même la défense, mais ne put rien faire face à la déferlante furieuse qui venait venger les hommes tombés au combat depuis le début du conflit. Réalisant qu'il était tombé dans un piège et que toute la Dalmatie se refermait sur lui, Agion ordonna à ses hommes de fuir, et s'en fut, non sans un dernier regard sur l'Adriatique...
De son côté, Thorolf le Saxon avançait sur la Croatie et mettait en déroute les rares hommes d'Agion restés à l'arrière, qui ne savaient rien du drame qui se jouait. Ils furent tous massacrés jusqu'au dernier, et le lieutenant, pendu.
Ainsi s'éteignait Agion en Europe continentale.
Depuis son château de campagne en Thrace, Octave avait demandé à son Haut Conseil de se recueillir dans la prière, et d'abaisser tous les gonfalons. Nulle fête ne serait ordonnée, et nulle joie ne serait célébrée dans le Despotat.
Octave rassembla ses meilleurs lieutenants, et tous les chefs de clan, et leur tint ce discours :
"Vous qui m'avez servi loyalement, vous qui avez payé un lourd tribut, vous qui avez saigné, souffert et combattu, vous vous demandez surement pourquoi nous n'ordonnons pas un mois de ripailles après avoir bouté Agion de nos régions.
Il était un lion indomptable. Il nous a insulté, et nous a combattu. Mais jamais il n'a vécu dans le compromis, et ne s'est jamais déshonoré. Il a été un ennemi redoutable, et à la hauteur de notre maison. Il nous a donné le change, et n'a jamais reculé devant l'adversité. Il était brave, et puissant. Il s'est mis l'Europe à dos, et nombre de vautours.
Aussi, nous lui rendrons hommage trois jours et trois nuits, en priant pour son salut, et qu'il enfante d'autres chevaliers aussi redoutables que lui. D'ici là, mes frères, des ennemis, nous en avons encore. Et chaque jour plus.
Eux qui veulent mettre les peuples indomptables de l'Est dans des cages, nous leur donnerons à penser, tous autant qu'ils le sont. Puisque notre destin est le sang et la guerre, puisque notre destin est de mourir pendant que d'autres se goinffrent, alors faisons ce que devons pour qu'ils s'étouffent durant leurs ripailles et que toujours on se souvienne des steppes invincibles.
Voyageons légers mes amis, car nous chevauchons vers une mort certaine et inutile. Mais c'est cela, le sang des Slaves, c'est notre destin, et nous allons l'honorer.
A la mort !"
Arda para subire, brûle de t'élever